"JPEG Jean-Jacques Staeger est salarié à l’ANPE, et représentant national de son syndicat, le SNU. C’est à ce titre qu’il participe ces jours-ci à la négociation sur la fusion ANPE/Assedic au sein de « Pôle emploi » qui remplacera les deux services en janvier 2009. Il revient ici sur celle-ci et sur les nouvelles mesures de contrôle des chômeurs.

En quoi consiste la fusion ANPE/Assedic ?

Cette fusion au sein de « Pôle Emploi » est d’abord un dépeçage du service public, qui concerne 32 000 agents publics de l’ANPE et 14 000 salariés de l’Assedic, qui sont eux sous contrat de droit privé, embauchés par exemple, par les Assedic Aquitaine, sans statut national.

Est-ce vraiment une rupture de fond ?

Jusqu’à présent, il y avait d’un côté l’indemnisation, déléguée à l’Assedic, et de l’autre un service public de placement, d’aide et de retour à l’emploi. L’ANPE est en train de prendre une autre direction suite à la loi votée le 13 février 2008, en 15 jours avec une procédure d’urgence, dans laquelle on a bafoué la démocratie. L’Etat a décidé, sous couvert de rendre un meilleur service aux chômeurs, de mettre la main sur l’indemnisation des personnes privées d’emploi.

C’est maintenant la même main qui va conseiller, qui va placer et qui va contrôler.

Cela va-t-il changer quelque chose pour les demandeurs d’emploi ?

Cette institution, Pole Emploi, marque essentiellement la volonté gouvernementale de mettre en place un dispositif autoritaire d’affectation des travailleurs à des emplois qualitativement dégradés. Avec en plus le souci d’économies d’échelle. On peut ainsi imaginer pour le territoire basque, la fermeture du Point Relais de St-Palais, ou la fermeture d’une des deux agences de Bayonne ou Biarritz. Ce qui va faire plus de contraintes et moins de proximité pour les demandeurs et des conditions de travail des personnels de plus en plus dégradées.

Comment analysez-vous les nouvelles mesures de contrôle des demandeurs d’emploi ?

Nous avons toujours combattu l’idée libérale qui consiste à dire que les chômeurs doivent se plier aux désiratats de l’entreprise. Pour nous, les salariés doivent avoir le choix du métier qu’ils exercent et du lieu où ils l’exercent. Avec cette réforme et le décret sur les ORE (Offres raisonnables d’emploi), on est plus du tout dans cette logique.

Le gouvernement justifie ces contrôles au nom de la fraude…

La fraude représente aujourd’hui 2 % des demandeurs d’emploi et 5 % des entreprises, sur 36 milliards d’euros de cotisations versées chaque année.

L’ANPE procède déjà à 500 000 radiations par an ?

On estime les radiations pour refus d’emploi à 15 000 par an. Concernant les autres, on a multiplié les convocations et il y a beaucoup de radiations pour non-présentation à convocation, ce qui pousse les chômeurs à ne pas rester inscrits, d’autant plus quand ils ne sont plus qu’un sur deux à être indemnisé, soit le taux le plus bas que nous ayons connu avec des hauteurs d’indemnisation parmi les plus basses d’Europe. Ces gens basculent, quand ils y sont éligibles, dans les minima sociaux. Le dispositif RSA (qui rend l’inscription ANPE obligatoire) va amener 500 000 demandeurs d’emploi. On en attend 150 à 200000 de plus dans les 8 mois à venir. Il faut être clair sur les chiffres, il y a en fait 7 millions de demandeurs d’emploi, les statistiques ne comptant pas les personnes travaillant plus de 5 heures par semaine.



Le placement des demandeurs par des entreprises privées est-il pratiqué en Pays Basque ?

Il y en a en Pays Basque. Ces entreprises ont une facturation juteuse, étant payées au placement. En termes de résultat ils font 30 % de placements en moins que le service public.

Il y a maintenant un système à deux vitesses, la première pour les cadres et les gens hautement qualifiés, les bons chômeurs qui bénéficieront de moyens, et seront placés par le privé ; et de l’autre, les mauvais demandeurs, pas assez formés, jeunes en galères, handicapés, plus de 50 ans, parents isolés etc. Les boites privées sont payées au placement, ce que l’on nous pousse à faire aujourd’hui.

Toutes ces réformes ont-elles un lien ?

L’Etat n’a pas d’autre vue que de compenser les besoins des entreprises et du capital. Sarkozy veut atteindre les 5 % de chômeurs, l’objectif qu’il s’est fixé pour les années à venir. Il va les atteindre en amenant les nouveaux dirigeants du nouveau service de l’emploi à radier massivement et plus légalement l’ensemble des salariés. Le nouvel opérateur Pôle Emploi est une machine à broyer les chômeurs en lien avec la politique ultralibérale de Nicolas Sarkozy. Le contrat social que l’on nous propose est un contrat toujours favorable à une seule partie, les entreprises. D’un côté on a de moins en moins de contrôles sur les entreprises, de l’autre de plus en plus pour les demandeurs d’emploi. Avec le décret sur les « droits et devoirs des demandeurs d’emploi », il n’y a désormais plus de droits pour les demandeurs, il n’y a plus que des devoirs. C’est une vision des demandeurs d’emploi, qui les caricature en fainéants et que nous ne pouvons accepter.

Quel en est le but ?

Le retournement démographique aurait pu conduire à une sortie du chômage de masse tel que nous le connaissons depuis 30 ans, Il est inconcevable pour le Medef que la France retourne à un taux de chômage inférieur à 5 % parce que cela aurait renversé le rapport de forces social en faveur des travailleurs, et aurait obligé de revoir les conditions d’emploi et de salaires.

Yann Emmanuel