Paru dans la revue nationale du SNUipp Fenêtre sur Cours

A Grasse, dans les Alpes Maritimes, les activités périscolaires se déroulaient dans une ambiance bon enfant, jusqu’au jour où… Récit d’une polémique nauséabonde.

Depuis le mois de mars, il flotte comme une odeur brunâtre au dessus des écoles de Grasse, capitale du parfum. Au point de départ de l’affaire, une activité périscolaire mise en place à la rentrée 2005 : « expression d’un souhait pour un monde meilleur ». Les élèves de 8 écoles ont le choix durant la pause méridienne entre plusieurs activités proposées par l’association locale d’éducation populaire Loisirs Education Culture (LEC), dont ce projet de l’artiste François Duong.

Depuis, chacun des 360 enfants ayant participé à ce jour, a réalisé un personnage en carton, dont la tête est leur propre photo, brandissant un écriteau sur lequel ils ont élaboré un message. « Des fraises à la cantine », « maman je t’aime », « allez l’OM », « arrêtez de massacrer la nature »… « Ils ne sont pas forcément conscients de la problématique soulevée par leur message, mais sont lucides sur leur sens », explique François Duong. Chaque participant possède la carte du « Syndicat de revendication de l’enfant ». Début avril, un défilé avec de vrais écriteaux devait être organisé devant les parents à l’école Saint-Jacques. « Nice matin », le quotidien régional, a publié un article comme il le fait chaque année avec les activités du LEC ; un papier mis en page juste à côté d’un autre consacré aux manifs anti-CPE.

Est-ce l’effet provoqué par cette présentation ? Quelques jours plus tard, l’association SOS Education, informée par un honorable « correspondant », publiait un communiqué sur son site Internet : « non à l’apprentissage de la revendication dans les écoles primaires ». Elle écrivait à certains élus des Alpes Maritimes pour demander leur soutien. Et trois députés UMP dénonçaient « cette action destinée à sensibiliser près d’un millier d’enfants au thème de la revendication … ». Les députés déploraient que « le temps scolaire dévolu à l’éducation citoyenne soit uniquement utilisé à des fins revendicatives » et souhaitaient « interpeller le ministre de l’Education Nationale ».

La polémique a alors enflé, prenant une tournure assez incompréhensible pour qui ignore les subtilités de la politique locale : députée de la circonscription à la tête de la réaction, Michèle Tabarot a pour suppléant le Maire de Grasse, Jean-Pierre Leleux, un des principaux financeurs du LEC… Le premier magistrat s’est fendu de quelques déclarations embarrassées, mais a maintenu sa confiance dans l’association. Bernard Maccario, l’Inspecteur d’Académie, est lui aussi intervenu dans le débat, déclarant à Nice Matin que les activités périscolaires « n’engagent pas l’Education nationale » et qu’elles « ne sauraient avoir un quelconque rapport avec les programmes ».

Cet emballement médiatique a tout d’abord « fait sourire » Geneviève Gaymard, la directrice de l’école Saint-Jacques. « Mais quand je suis allée sur le site de SOS éducation, je n’ai plus rigolé. Alors, je suis intervenue dans le débat ». Et elle n’est pas la seule. Quatre autres directeurs ont rédigé des messages de soutien au LEC. Les parents d’élèves de l’école Saint-Jacques ont eux aussi réagi. « En début d’année certains parents se sont posé des questions en raison de l’intitulé de l’activité, avoue Béatrice Tardieux, leur représentante. Mais après rencontre avec l’artiste, le projet a fait l’unanimité ». Aujourd’hui, la déléguée attire l’attention « sur les proportions absurdes d’un événement local dénoncé par une association parisienne ». La campagne est virulente, mais personne n’a demandé d’explications au LEC ou à l’artiste. Ni Michèle Tabarot dont la permanence est située à 200 mètres de l’école Saint-Jacques, ni SOS Education qui indique pourtant avoir parlé avec la directrice du LEC. « En réalité, c’est moi qui leur ai téléphoné pour protester après leur deuxième communiqué », précise l’intéressée, Alexia Facchinetti. Outrée par la campagne tous azimuts lancée sur Grasse, elle a saisi la défenseure des enfants.

De son côté, la section départementale du SNUipp a interpellé l’IA l’appelant à la vigilance. Réfutant l’amalgame fait entre ce qui se passe sur le temps périscolaire et le temps scolaire, elle dénonce « la volonté de nuire au service public d’éducation de la part d’une association qui jette l’opprobre à la fois sur le travail des enseignants et celui du LEC ». Au moment où nous bouclons le journal, sur le terrain, le travail de SOS Education redouble d’intensité, celui des enfants continue. Ils font l’apprentissage de la citoyenneté, de l’expression artistique, de la réflexion collective. Les petits personnages poursuivent, eux, leur défilé muet : « Pas de guerre ! » dit l’un, « non aux bandits » ajoute un autre, « je veux plus de je t’aime » lance un troisième, « j’aime les fleurs » proclame un quatrième… Un peu d’air frais dans une ville où le monde meilleur des enfants se dresse contre le meilleur des mondes.

Scolaire périscolaire : besoins de cohérence

Jusqu’à la dernière rentrée scolaire, les activités périscolaires organisées par le LEC de Grasse se déroulaient dans le cadre d’un Contrat Educatif Local (CEL). Cette année, en raison d’un défaut de financement de certaines activités, l’association a utilisé un autre dispositif, le Contrat Temps Libre financé par la CAF. Si les champs des activités scolaires et périscolaires sont bien délimités, les textes régissant les CEL valorisent « la connaissance réciproque des projets élaborés » qui « conditionne la continuité éducative (…), garantit un enrichissement mutuel » et estiment que « la recherche de cohérence et de complémentarité entre eux est indispensable ». Pour le SNUipp, il faut aider et favoriser ce travail de cohérence en donnant aux personnels et aux équipes des moyens nécessaires et notamment du temps.

Qui est SOS éducation ?

« Supprimer la méthode globale », « supprimer le collège unique » , « créer un examen d’entrée en 6e », « limiter le pouvoir des syndicats d’enseignants », sont quelques uns des mots d’ordre de SOS Education, association qui n’hésite pas à dénoncer, par exemple, un sujet traitant de l’IVG au Bac ou à demander au ministère le retrait de 5 manuels scolaires…