ARGUMENTAIRE

Il y a moins de deux ans la canicule provoquait un désastre sanitaire. Environ 15 000 personnes âgées victimes . En fait la canicule mettait en évidence les carences du système de santé et de prise en charge des personnes âgées et dépendantes.

Le gouvernement, en vacances, tardait à réagir. Puis, face à l’émotion de la population, amplement justifiée, le gouvernement reprenait la main et proposait « une journée de solidarité pour assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et handicapées ».

Dès 2005, tout salarié, public ou privé, travaillera une journée supplémentaire. Cette journée ne donnera pas lieu à une rémunération supplémentaire : en échange les employeurs verseront une cotisation correspondant à une partie de la valeur théorique de cette journée supplémentaire à une caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Une régression

Le gouvernement a donc fait passer la durée légale du temps de travail de 1 600 à 1 607 heures. Un texte prévoit que les salariés et leurs employeurs peuvent négocier la forme et la date de ce jour de travail supplémentaire mais qu’en l’absence d’accord local ce sera le lundi de Pentecôte. Dans les services publics la durée du travail est allongée de la même manière et la même règle s’applique avec en théorie des négociations service par service sur le choix de la journée.

Pour les personnels de l’éducation c’est une journée de classe supplémentaire, pour les élèves aussi !

Encore un coup porté aux salariés. Ils seront quasiment les seuls à supporter le financement de la solidarité. Le refus d’augmenter ce que les libéraux appellent les « charges », surtout la partie versée directement par l’employeur (notre salaire indirect), prend ici une forme particulièrement brutale : une journée de travail gratuite.

Ce sont globalement plus de vingt millions de journées de travail qui sont en jeu.

Qu’il se traduise par la suppression d’un jour férié, le sacrifice d’un jour de RTT, des heures supplémentaires non payées, il s’agit bien de travail gratuit imposé. En cela la décision gouvernementale constitue bien une mesure de recul social.

Dans un contexte de remise en cause des 35 heures, comme par d’autres mesures, le gouvernement répond favorablement aux exigences du MEDEF d’allongement du temps de travail.

Injuste

Il s’agit non seulement d’une mesure de régression mais aussi d’une mesure injuste. Cette contribution « en nature » touchera essentiellement les salariés actifs. Moins de la moitié de la population active apporte les 9/10ème de la collecte. Le profit qu’en tirera l’employeur ne sera pas reversé en totalité : la valeur d’une journée de travail équivaut à 0,5 % du salaire annuel alors que la cotisation versée par l’employeur ne sera que de 0,3 %. On peut estimer que cette journée ne coûtera aux employeurs qu’à peine plus de la moitié des salaires qu’ils auraient dû verser.

Régressive, injuste, … et inefficace. Le Ministre de la santé lui-même le reconnaît, elle ne suffira pas ! Les 2 milliards espérés ne couvriront pas « l’étendue des dégâts » (P.Douste-Blazy), tout cela est « mal piloté et insuffisant » selon la Caisse Nationale d’Assurance Maladie.

Comme si cela ne suffisait pas, l’argumentation idéologique, par le Premier Ministre lui-même qui met en avant la valeur travail, parle d’un « engagement personnel des français par leur travail ». Au moment où le chômage officiel touche plus d’un salarié sur 10, et alors que les profits des entreprises atteignent (eux aussi !) des niveaux records, ces relents d’ordre moral constituent une provocation. Si la production du pays a besoin de ces 20 millions de journées de travail supplémentaires, pourquoi ne pas les répartir sur 100 000 chômeurs , dont les salaires et les cotisations contribueront à renforcer les capacités de la Sécu à assumer plus de solidarité ?

Et enfin, cerise sur le gâteau, rien ne garantit que les fonds collectés, iront bien à leur destination prévue. Les règles de comptabilité qui s’appliquent sont les mêmes que pour feue la vignette automobile.

Décidément, encore plus que d’une vraie mauvaise idée, il s’agit bien d’un choix d’inspiration libérale. Cela nous fait passer de la solidarité à la charité, tout en nous culpabilisant au passage.

Pour une vraie solidarité

Les dépenses en direction des malades, des retraités comme des personnes dépendantes vont croître. Inéluctablement. Par voie de conséquence, les besoins de financement de la protection sociale aussi. A l’échelle du pays, il y a deux manières d’assumer cette augmentation inéluctable :

la prendre en charge, pour tous, à égalité, d’une manière socialisée et solidaire ;

la confier à l’initiative individuelle, sur un mode « assuranciel », et ainsi ne l’autoriser qu’à ceux qui peuvent la financer.

Le gouvernement, après la contre-réforme des retraites, en même temps qu’il préparait celle sur la Sécurité Sociale, a cherché à éviter le débat. Il a choisi une augmentation de cotisation qui ne dit pas son nom, supportée quasi exclusivement par les salariés.

Par la création d’une caisse spécifique, il isole une catégorie (les personnes dépendantes et/ ou handicapées), en rupture avec le principe d’une sécurité sociale universelle, commune aux différentes générations, aux bien portants comme aux malades, aux pauvres et aux riches, selon les moyens et les besoins de chacun.

Comme d’autres, la FSU demande une réforme de l’ensemble du financement de l’assurance maladie et de la protection sociale. L’émergence des questions liées au handicap, au grand âge et à la dépendance montre l’urgence de traiter cette question, en lien avec un nécessaire rééquilibrage en faveur des salaires et de la protection sociale, de la répartition des richesses produites.

Où en est-on ?

Les exemples du Gard et du Territoire de Belfort, départements pour lesquels l’administration avant avancé au Lundi de Pâques, l’application du « jour de solidarité » ont montré de surcroît que cette mesure conduisait à une grande confusion. Ce qui a caractérisé la pagaille de cette journée, c’est l’énorme gaspillage. Certains ont même parlé de « gâchis » (restauration, transports) : jusqu’au fonctionnement de l’école qui a connu un taux d’absentéisme record.

Un sondage publié le 22 avril montre que 66% des français et 75% des salariés demandent au gouvernement de renoncer à cette mesure, confirmant ainsi le succès rencontré par notre pétition. D’ores et déjà de nombreuses organisations syndicales ont décidé de faire de cette journée une journée d’action, c’est le cas de la FSU qui a d’ores et déjà déposé un préavis de grève. Mais le gouvernement réaffirme sa volonté de ne pas céder.

En fait il apparaît que dans de nombreuses entreprises voire dans les services de multiples collectivités territoriales le lundi de Pentecôte continuera à être férié, soit parce que les employeurs acceptent de payer la cotisation supplémentaire sans contrepartie de leurs salariés soit qu’ils jouent sur les jours de RTT. C’est le cas de nombreux services territoriaux, de TF1, de la SNCF…. Et la FCPE a appelé les parents à ne pas envoyer leurs enfants en classe ce jour là. En revanche un certain nombre de services publics dont l’école seront censés être ouverts partout avec le risque de fonctionner « à vide » : alors que ces services ne sont pas directement producteurs de richesses cette situation risque de générer des gaspillages supplémentaires.

C’est pourquoi nous pensons que c’est l’abandon pur et simple de cette mesure qui permettra de reposer la question du financement de la dépendance d’une manière plus équitable et durable.