L’âne, le renard et la confiture.
C’est l’attitude de nos gouvernants lors de l’épisode exceptionnellement hivernal des dernières fêtes de fin d’année qui m’a mis la puce à l’oreille. J’ai repensé à l’enfant accusé d’avoir mangé la confiture dont le pot était caché en haut de l’armoire et qui se défendait en disant : « c’est pas moi, d’abord j’aime pas la confiture, puis je ne savais pas où elle était cachée, puis le pot était trop haut ». D’abord, il n’y a pas eu de pagaille, puis on a trouvé les responsables de la pagaille, c’est Météo France et les grévistes, la ministre a exigé des explications et maintenant elle organise des tables rondes, sans les représentants des travailleurs, pour comprendre ce qui s’est passé et élaborer des directives pour éviter que cette pagaille qui n’a pas existé ne se reproduise plus ! N’en sabi plu que dire !
Commençons par Météo France, ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal. La direction de la météorologie nationale fut créée en 1945. Tiens, comme c’est bizarre. En 1993, sous Balladur, elle devint « sous le nom de Météo France, un établissement public administratif afin de faciliter la commercialisation de l’information météorologique destinée aux particuliers et aux entreprises ». En 2008, sous Fillon, ses personnels se lancent dans un mouvement social fort,contre la suppression de nombreuses structures départementales, et des réductions de postes(tiens, tiens !) et le gouvernement externalise la régie de publicité pour en faire une société de droit privé. Quand il criait haro sur Météo France, Fillon se prenait sans doute pour le renard de la fable, flattant le maitre que chacun sait responsable. La galina que canta es aquela qu’a fach l’uàu !
Aeroports de Paris, fut aussi créé en 1945. C’était alors un établissement public de l’état, mais il devint société anonyme en 2005, sous le gouvernement Raffarin, et c’est le gouvernement Villepin qui lança en 2006, le processus de privatisation. Cette société avait elle trouvé le responsable de la pagaille aéroportuaire qui n’existait pas pour le gouvernement mais que subissaient les passagers : les grévistes de la société qui fournit le glycol nécessaire au dégivrage des avions. Pas de chance, la société répondit vertement que le conflit social n’avait rien à voir et qu »elle n’avait pas à livrer du glycol qui n’avait pas été commandé ! Naturellement, les compagnies d’aviation qui ne pouvaient honorer les vols pour lesquels elles avaient vendu les billets n’étaient ni coupables ni responsables. M’sieur, c’est pas moi, c’est l’autre…Le monde de la concurrence libre et non faussée est vraiment impitoyable, mais il donne un spectacle pitoyable, comme une cour de récré livrée à elle même, sans surveillance. Aquela d’eficacitat ! Era un cànta de ma tanta la bàrnia di dos uelhs !
Est-il besoin de parler des sociétés d’autoroutes, privées elles aussi ? Pas mal, non plus, la défense de la SNCF, et son rapport sur le Strasbourg-Nice. Il n’y a pas de faute humaine, toutes les procédures ont été respectées, mais le train n’aurait pas du partir…Et naturellement, les syndicats qui lancent des préavis de grèves, dans la période des grands départs sont responsables, surtout s’ils revendiquent des créations d’emplois. Regardez la bonne volonté de la direction : elle a imaginé faire appel aux cheminots en congé pour aider les contrôleurs. Elle fait appel aux volontaires : c’est pas du dialogue social, ça ? Imaginez le roi du Maroc demandant à notre couple présidentiel s’il ne veut pas faire le ménage dans le palais où il les loge (1). D’ailleurs, ces méchants syndicalistes, ils ne viennent même plus aux réunions où on leur permet d’écouter l’énoncé des décisions déjà prises : les voilà les responsables des dysfonctionnement de la société, des verrouillages intempestifs de la créativité des entreprises, du chômage, des intempéries, et que sais-je encore… des tics de nicolas le petit ? Zo, bolegam. Viva lo cambiament vertadier.
(1) Bien évidemment, cet article a été écrit avant la fuite de Ben Ali et toute ressemblance avec… (NDLR)